samedi 7 novembre 2009

Le système horaire en Argonis

Argonis possèdant une durée de révolution de l'ordre de 30 heures terriennes, le système horaire diffère donc quelque peu du système horaire de notre monde. Une journée est découpée en tranches de 10 cadrans (correspondant à peu près à 3 heures terriennes). Une journée se termine donc à la fin du cadran 9 et une nouvelle journée commence par le "cadran nul" (l'équivalent de notre "minuit").
Deux subdivisions du cadran existent, toujours sur la base décimale :

- la centime : équivaut à un centième du cadran, c'est à dire environ 1,8 minutes dans notre monde.

- la trotte : peu usitée (sauf dans les domaines officiels, comme dans les palais par exemple). Elle correspond à un dixième d'une centime.

4) Au Zenith de Karaâmad'jah

Le mouvement que Lara comptait entreprendre était particulièrement risqué, même pour une personne avec ses talents. Elle devait sauter d'un promontoire à un autre, tout deux très étroits et distants de plusieurs pas, sans faire le moindre bruit pour ne pas alerter les deux gardes qui patrouillaient quelques pas plus bas. Cependant, il était nécessaire qu'elle atteigne le toit de cet autre bâtiment du Palais Royal car cela lui permettrait d'accéder à une vue dégagée sur la Salle de Conseil du Roi, conseil qui se réunissait tous les soirs aux alentours du huitième cadran. Lara s'agenouilla pour gagner en détente puis s'élança dans un bond félin, quasi-inaudible. Elle connut quelques instants d'angoisse lorsque son pied glissa de quelques millipas sur le promontoire d'arrivée, qui avait été plus exposé à l'érosion et donnait donc un appui moins stable, plus glissant, que celui d'où elle s'était lancée. La jeune femme s'empressa de poser son autre pied sur la roche, que des siècles de pluie et de vent avait contribué à rendre lisse, puis se stabilisa à l'aide de ses mains en reproduisant la posture de flexion qu'elle avait adopté avant de sauter.
Lara savait qu'elle avait exécuté les tâches les plus complexes et se permit enfin un instant de répit alors qu'elle touchait presque son objectif du doigt. Elle ressentit ce petit instant d'excitation mêlé à une pointe de peur qui la fit frissonner; d'habitude si placide en infiltration, Lara ne put s'empêcher de prendre du recul quant à sa situation. Camouflée dans un alcôve au sein du Palais de l'ennemi juré des Pays du Levant, elle se dit qu'il n'y avait probablement pas de lieu plus risqué pour elle dans tout le Monde, à part peut être au coeur même du Volcan des Âmes. Elle s'intima l'ordre silencieux de retrouver un peu de sérénité, inquiétée par cette vague de sentiments qui venait la submerger et craignant et que cela ne vienne mettre en danger sa mission impériale.
Elle parcourut les derniers mètres qui la séparait du Conseil à une vitesse vertigineuse, compte tenu de l'altitude à laquelle elle se trouvait. Enjambant, bondissant, plongeant, elle n'était qu'une ombre silencieuse, fusionnant avec l'obscurité, sa meilleure alliée afin de passer inaperçue. Lara ne s'arrêta qu'une fois en face de l'objet qui lui avait servi de point de repère durant ce périple : le Grand Dôme. Son diamètre faramineux, sa courbe et sa transparence cristalline quasi-parfaites en faisait l'une des plus belles merveilles de tout le pays, visible depuis virtuellement tous les points de Karaâmad'jah. Paré d'une gigantesque gravure dorée du premier souverain de l'Alliance, le dôme révélait sa nature prismatique lorsque le soleil atteignait une inclinaison très particulière. En ce cas, les rayons de l'astre solaire se décomposait en une myriade de couleurs qui venait illuminer une partie de la cité, offrant un spectacle magistral à qui voulait bien y prêter attention.
Il s'avéra que Lara atteignit le dôme au moment même où les premiers rayons se décomposaient, elle s'autorisa donc à admirer ce phénomène depuis la position zénithale où elle se situait, qui lui offrait une vue privilégiée. Elle regarda le flot de lumière envahir la cité grisâtre et la colorer à sa guise, tel un enfant cherchant à redonner vie à un dessin trop maussade. Lara laissa cette image somptueuse s'imprimer sur sa rétine, puis dans sa mémoire, émerveillée par cette vue, tentant d'immortaliser chaque détail et s'accrochant à ce panorama qu'elle aurait pu contempler pour le restant de ses jours. Alors que le phénomène s'estompait peu à peu, brisant la magie de l'instant, quelques larmes lui vinrent aux yeux alors qu'elle pensa ironiquement que ces jours ne serait peut être pas si nombreux. Retrouvant peu à peu ses esprits, elle se retourna et fit face au Dôme titanesque. Elle se pencha et observa les quelques protagonistes qui s'activaient quelques dizaines de pas plus bas alors que les membres du Conseil pénétraient dans la salle démesurée. Un autre spectacle, mais d'un tout autre genre, bien plus organisé et protocolaire, l'attendait en bas.

mercredi 4 novembre 2009

3) Investigation

Kamli était assis dans un coin de la taverne à écouter une conversation entre deux hommes, qu'il supposait être des mercenaires. En tant qu'espion, Kamli maîtrisait de nombreuses langues, ses voyages fréquents ayant permis de perfectionner son accent, mais le dialecte parlé par les deux mercenaires était tellement éloigné de la langue Mhâlatane qu'il soupçonnait les deux hommes de provenir d'une région particulièrement reculée. Leurs visages jeunes et dénués de toute cicatrice dévoilait leur inexpérience, et Kamli devina qu'il avait sous les yeux deux jeunes hommes en quête d'aventures, voire même de bonne fortune. Il avait choisi de s'intéresser à ces deux individus en particulier car il savait que leurs langues se délieraient beaucoup plus facilement après quelques verres.
Cela faisait déjà deux jours qu'il était dans la capitale ("Jah" en Mhâlatan) des territoires ennemis et pourtant il n'avait rien appris de concluant au sujet des mouvements de troupes de l'Alliance. Cela restait un mystère et il semblait que le gouvernement ne laissait filtrer aucune information, même dans les tavernes les plus luxueuses de la ville.
Kamli se demanda si Will et Lara obtenaient de meilleurs résultats grâce à leurs méthodes. Chacun des membres de leur trio possédait une aptitude particulière qui leur permettait d'être à la fois indépendant en mission solitaire, et redoutable au sein de leur groupe.
Lara, fille de Roald Dyun, célèbre acrobate à la cour de l'Empereur, avait hérité des talents surnaturels de son père : sa furtivité sans égale et sa maîtrise des armes courtes - dagues et autres poignards- en faisait une adversaire mortelle malgré son physique apparemment délicat et inoffensif. La jeune femme aux cheveux châtains et aux yeux amandes était ainsi limitée aux missions d'infiltration et celles qui nécessitaient de récupérer des informations de la façon la plus discrète possible.
William, lui, avait un don pour la magie (ou Arcane), cependant son don ne s'exprimait que dans un seul domaine : l'Arcane Psychique, ou la compréhension des esprits. Cela lui permettait, dans le cadre de ses activités d'espionnage, d'influencer les esprits faibles et parfois même, de lire les pensées en cas d'inattention particulièrement intense de la cible. Le jeune homme brun avait toujours été frustré par cette limitation quant à ses dons, et malgré toute l'énergie qu'il avait consacré à travailler les autres Arcanes, rien ne semblait fonctionner et le blocage semblait permanent. Cependant, il était suffisamment doué dans l'Arcane Psychique et au maniement de l'épée pour pouvoir intégrer l'unité d'espionnage de l'Empire, sous le commandement direct du jeune Rolwen, Seizième Empereur du Levant.
Quant à lui-même, son véritable talent était son adaptabilité : sa nature curieuse et sa soif d'apprendre en permanence avait fait de lui l'un des plus brillants élèves de toute sa région lors de sa jeunesse. Il maîtrisait parfaitement la totalité des langues officielles de chaque nation et parlait un très grand nombre d'autres dialectes plus ou moins répandus. Il était également familier des coutumes locales et pouvaient ainsi très facilement s'intégrer au sein de n'importe quel pays sans trahir ses origines. Son excellence en tant qu'archer était également appréciable et venait compléter l'épée et les poignards de ses deux partenaires.
Voyant que les deux hommes qu'il observait dérivaient sur des conversations concernant les nouvelles de leur village d'origine (situé à l'extrême ouest de l'Alliance), Kamli se résigna une fois de plus à arrêter ses recherches et rejoignit la chambre qu'il avait loué dans une auberge située deux rues plus loin. Bien que de par sa nature, il se sentait à l'aise dans chacun des endroits où il se trouvait, Kamli commençait à sentir un malaise profond l'envahir. Il lui tardait d'avoir des nouvelles de ses deux amis car seul, il désespérait de trouver les renseignements pour lesquels il avait été envoyé. Le roi Altrâkh'An, souverain suprême de l'Ouest, semblait avoir perdu l'esprit : il était vrai qu'il possédait un certain aspect belliqueux mais ce trait de caractère était toujours atténué par la sagesse de ses conseillers, qui prônaient une certaine retenue, pour le bien du peuple de l'Alliance.
Ce revirement soudain chez le Roi était un véritable casse-tête pour Kamli. Il avait beau tourner le problème dans sa tête, il restait persuadé qu'un facteur extérieur avait du influencer le souverain et, alors que le soleil se couchait pour la troisième fois sur la ville de Karaâmad'jah depuis qu'il était arrivé, Kamli était tellement absorbé par ses pensées qu'il ne remarqua pas l'ombre qui suivait sa trace depuis sa sortie de la taverne, attendant patiemment son heure pour passer à l'action.

lundi 2 novembre 2009

2) Dans le Chateau Profond

Branduc détestait venir dans cette partie du château. Cette aile reculée pouvait paraître abandonnée au premier abord mais quelques braseros allumés de façon épars désignait très clairement une route qui menait droit vers une partie du Château Profond qui n'était empruntée que par deux personnes : lui-même et Le Maître, lors de ses rares sorties. Le gobelin se jura une fois de plus de demander au Maître un changement de statut car il n'aimait pas délivrer les missives, même s'il savait pertinemment que les états d'âme d'un serviteur, qui plus est non humain, importait très peu aux yeux du Seigneur Noir. Branduc traversa rapidement quelques couloirs aux murs dépouillés de toutes tapisseries, armes ou autres armoiries et d'une froideur extrême et, après quelques minutes, il atteint une volée de marche qu'il monta deux à deux. En haut de l'escalier se trouvait deux portes. Celle de gauche menait à la salle de travail du Maître et nul ne pouvait y entrer, sous peine de mort, alors que celle de droite menait aux appartements de ce dernier. Le gobelin ouvrit la porte de droite sans hésitation et traversa une antichambre puis ce qui ressemblait à une bibliothèque, en dépit de la présence de très peu d'ouvrages, la plupart en mauvais état.
Malgré l'épais mur de pierre qui séparait la bibliothèque de la chambre, Branduc sentait déjà l'aura maléfique de son maître, quasiment palpable, comme une brume épaisse qui l'enveloppait peu à peu, amenant avec elle tristesse et désespoir. Le serviteur frappa trois fois et attendit. Une voix profonde, semblant venir de très loin, lui répondit d'un ton glaçant l'âme :
"Entrez
- Excusez-moi de vous importuner, votre Grandeur, mais j'ai un message de la plus grande importance à vous délivrer, débuta Branduc après avoir fait une courte révérence.
- Qu'y a t-il de si urgent pour que tu aies l'audace de me déranger au beau milieu de la nuit, gobelin? répondit le Maître, d'un ton qui en disait long sur la totale indifférence qu'il portait au messager.
- Je suis confus mais... Il s'agit de l'Empereur des Pays du Levant. Vous aviez exigé que toutes ses activités d'espionnage vous soit rapportées immédiatement. Nos sources au Palais Impérial d'Ormata nous apprennent qu'une mission secrète vient de partir en direction de Karaâmad'jah."
Le visage du Seigneur Noir sortit de l'ombre alors qu'un rictus mauvais vint orner son visage parfait. Branduc, bien que de race gobeline, savait que son Seigneur était, dans les critères humains, un jeune homme d'une grande beauté. Tout en lui était d'une noirceur captivante : ses yeux, ses cheveux, et sa barbe finement rasée étaient tous trois noirs comme la nuit. Puissament bâti, avec de larges épaules, il avait l'allure d'un jeune soldat mais ses manières raffinées et son élocution témoignait d'une origine noble et même, laissait penser qu'il était bien plus âgé que son visage dénué de toute ride laissait penser.
Le messager gobelin le craignait bien plus qu'il ne le respectait : il avait vu bien trop de serviteurs subir les rages terribles du jeune homme et y laisser la vie, pour savoir que l'humilité poussée à son extrême était la qualité première à posséder pour survivre au service du Maître.
"Cette décision ne fait que confirmer ce que je savais déjà, l'Empereur Rolwen est un idiot. Quoiqu'il en soit, cela sert parfaitement mes plans. Mais cela ne te concerne en aucune façon, sous-créature. Contente toi de prévenir notre source que le moment est proche et que bientôt nous pourrons agir. Pour ma part, je serai absent quelques jours, tu n'auras qu'à écrire toutes les missives et les déposer au pied de ma chambre. Maintenant, va t-en, ton odeur répugnante m'insupporte.
- Très bientôt, votre Grandeur, répondit Branduc"
Branduc s'inclina puis sortit rapidement. L'aura de son maître rayonnait comme rarement, et le gobelin savait ce que cela signifiait : une très grande colère ou une très grande joie. Il était clair que c'était cette dernière option qui se vérifiait, mais la cruauté du Maître était telle que le gobelin se demanda si les conséquences de cette joie n'étaient pas plus à craindre que celles d'une potentielle colère.

1) Arrivée en terre hostile

La nuit était calme, le ciel sans nuage dévoilait une voûte magnifique, illuminée de milliers de constellations aux formes variées. Un vent chaud venait troubler le silence profond de cette soirée tout à fait commune de la Saison Fleurie. Rien ne la distinguait des autres, sauf peut être le mutisme assourdissant de la nature, qui, au lieu de résonner de divers grouillements et autres bruits de vies minuscules, ne laissait percer que le bruissement des feuilles provoqué par le léger courant d'air. La nature toute entière semblait retenir son souffle et patienter. Comme pour répondre à cette attente, une lumière apparut au milieu d'une des nombreuses clairière de la Petite Forêt, d'abord de la taille d'un point, puis s'élargit pour prendre la taille d'un gros rocher puis finalement la hauteur d'un petit arbre et une largeur de cinq pas. Trois ombres traversèrent le tunnel lumineux, tranchant nettement avec la clarté aveuglante du halo surnaturel qui, après avoir remplit son rôle, disparut aussi vite qu'il était apparu.
L'une des ombres s'éloigna et disparut dans la forêt, alors que les deux autres patientaient en silence. L'éclaireur revint vers ses compagnons quelques dizaines de minutes plus tard et hocha la tête. Ces derniers n'eurent aucun mal à percevoir le hochement, les deux lunes étant pleines cette nuit-là.

"Il n'y a pas de danger, on peut monter le camp, confirma l'éclaireur.
- Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de danger maintenant qu'il n'y en aura pas plus tard, Kamli.
- Je connais ton point de vue à propos de cette mission Will, mais ce n'est vraiment pas le moment, répondit un peu sèchement l'intéressé, un grand jeune homme blond à la mine renfrognée.
- Ca ne va pas recommencer vous deux, gronda la seule femme du groupe.
- Tu as raison Lara, je suis désolé, reprit William, qui se fendit d'un sourire dévoilant la quasi-totalité de sa dentition.

Lara ne put s'empêcher de lui rendre son sourire, ne pouvant résister au charme du jeune homme brun. La rivalité entre les deux hommes duraient depuis plusieurs années déjà, depuis ce jour où elle était arrivée dans leur petit village de Gilo. Les deux anciens meilleurs amis s'étaient alors déchirés, et Lara s'en voulait chaque jour d'avoir provoqué cet événement, mais leur amour commun pour la jeune femme combiné à leur ancienne proximité leur avait permis de revenir tant bien que mal à une amitié plus ou moins stable.
Les trois amis montèrent progressivement leur camp, en prenant garde à ne pas allumer de feu pour ne pas attirer l'attention de troupes hostiles. Ils avaient été envoyé par l'Empire afin de déterminer ce qui avait provoqué les nouveaux mouvements de troupes de l'Alliance Occidentale de Mhâlata. L'Empereur des Pays du Levant redoutait une nouvelle attaque des seuls ennemis à inquiéter le plus grand empire des terres connues et avait ainsi envoyé ses trois meilleurs espions, qui, en plus d'être compétents, se connaissaient parfaitement les uns les autres.
C'est ainsi que Kamli Cenn, William Roma et Lara Dyun avaient été transportés par magie à la lisière de la plus grande forêt du monde connu, appelée avec ironie par un quelconque homme d'histoire la Petite Forêt. Cette dernière était située en plein milieu des territoires ennemis, tout prêt du centre de commandement de l'Alliance de l'Ouest, situé dans la ville de Karaâmad'jah. La mission avait pour but de découvrir ce qui avait pu faire réagir le Royaume ennemi et avait carte blanche quant aux moyens utilisés.
Une fois leur camp monté, les trois amis prirent rapidement un repas frugal composé de viande séchée et de quelques fruits secs. Dès le lendemain, ils descendraient en ville habillés en locaux afin d'apprendre le maximum d'informations possible. Ils savaient que la mission qui leur était confiée était particulièrement périlleuse : ils devaient impérativement rapporter des renseignements à l'Empereur, et useraient de tous les moyens nécessaires. Cependant, s'ils se faisaient découvrir, ils deviendraient un moyen de pression contre les Pays du Levant ou pire, ils pourraient devenir un nouveau prétexte pour déclencher une énième attaque alors que le climat semblait tendu entre les deux puissances ennemies.
Lorsqu'ils eurent terminé leur repas, Kamli et Lara s'installèrent tant bien que mal sur des lits plus que rudimentaires alors que William prit le premier tour de garde. Restant à l'écoute des moindres bruits en provenance de la forêt, opaque d'où il se trouvait, il eut un pressentiment très désagréable, comme si quelque chose de particulièrement néfaste allait se produire dans un futur éloigné. Puis il repoussa cette impression dérangeante, lointaine mais pourtant tenace, en se disant qu'après tout, les missions d'espionnage n'étaient jamais dénuées de risques.