samedi 13 février 2010

Carte du Monde (à venir)

7) Interrogatoire

« Qu'as-tu fait à ce pauvre homme Kamli, enfin ? enchaîna William. Au temps pour moi, ajouta t-il sur le même ton détendu en apercevant la roche ensanglantée, le rocher a fait tout le travail.

- C'est un espion Mhâlatan, Will. Je pense qu'il m'a pris en filature depuis un moment déjà mais il refuse de me révéler quoique ce soit. Tu penses pouvoir user de tes talents ? répondit très nerveusement l'archer, en prenant garde d'ajouter des guillemets avec ses mains lorsqu'il prononça le mot « talent », afin de ne pas faire enfler l'ego -déjà conséquent- de son ami de toujours.

- Il me semble suffisamment inconscient pour n'élever aucune barrière mentale. Cependant, étant espion il a pu recevoir un entraînement contre ce genre de pratiques. Même s'il est de l'Alliance, les chefs-espions Mhâlatans n'ont que peu à faire des vieilles croyances populaires quant à la magie, et ils fournissent souvent à leurs espions des techniques simples pour bloquer mon intervention, ajouta William beaucoup plus sérieusement.

- Très bien. Quels sont les risques ? répondit Kamli.

- Pour ma part ? Un très fort mal de crâne. Mais je me doute que cela ne t'intéresse que très peu ? rétorqua l'épéiste, tout sourire. »

Kamli hocha la tête en même temps qu'il esquissa un très vif rictus, qui équivalait pour ce dernier à un éclat de rire franc. William savait qu'il avait réussi à détendre -d'une once significative- son compagnon des quelques quatre jours de tension et autres frustrations générées par l'exploration de la cité étrangère.
Bien qu'il ne le montrât pas, il était lui-même exténué de ces journées. Les quelques découvertes dont il était à l'origine n'étaient que de maigres victuailles pour sa curiosité affamée, et il avait hâte de pouvoir enfin écouter les renseignements collectés par ses deux amis, afin d'éclaircir les nombreux mystères qui enveloppaient la ville au Dôme de cristal.

Il pensa soudainement à Lara, qui avait très souvent pour habitude d'arriver bien après ses deux compagnons. Pour autant, son retard était inhabituellement long, et son cerveau commença à s'activer, envoyant des flux continus vers son estomac, qui se contracta sous l'effet du stress. Il craignait d'ordinaire très peu pour sa vie, car il était assez confiant en ses capacités (ce que ses deux amis prenaient pour une fierté excessivement mal placée, voire de l'arrogance). Mais dès qu'un danger potentiel menaçait Lara, ses sentiments anesthésiaient sa raison sans aucune forme de bon sens. Ses craintes, mais aussi ses instants d'euphorie étaient décuplés quand il se retrouvait à proximité de la jeune femme qu'il avait tant désiré il y a quelques années encore.
Lara, sans vraiment le vouloir, avait joué avec les sentiments des deux hommes d'une manière assez peu habituelle. Elle avait toujours refusé de se livrer aux deux jeunes amis, et ce très clairement. Pourtant, de façon très récurrente, l'espionne avait joué dangereusement à la funambule, marchant sur le fil de leur amitié, et penchant successivement vers l'un ou l'autre des deux, accordant au chanceux une complicité extrême, sans toutefois le laisser espérer une idylle sur le long terme.

Will secoua la tête pour chasser ces pensées qui ne manqueraient pas de perturber son activité mentale. La situation était plus qu'angoissante. La clairière paraissait paisible, pour autant il fallait se méfier tous les sons comme si chacun d'eux étaient susceptibles de révéler un danger mortel. Un souffle venait caresser les nuques et faire frissonner les protagonistes de cette scène pour le moins atypique. Le mentaliste réduisit son champ de perception à tous les êtres vivants à proximité et perçut une infinité de minuscules consciences, à peine des murmures dans un océan d'esprits. Chaque forme de vie, animale ou végétale, possédait sa propre forme d'Esprit, même s'ils différaient grandement. William écarta alors tous les individus végétaux puis se focalisa sur les humains présents autour de lui. Il perçut de façon fugace l'esprit de Kamli, dont il connaissait parfaitement l'apparence : une pointe de flèche sans aucune aspérité, aussi affutée que son esprit, et pointue tel son cynisme mordant. Elle reflétait parfaitement la précision, la concision, de son ami de toujours ainsi que ses capacités intellectuelles largement supérieures à celles de ses congénères.
Enfin, légèrement sous la pointe de flèche vaporeuse et flottante censée représenter Kamli, le jeune homme brun aperçut une forme assez vague, très petite, recroquevillée, presque apeurée et fragile de son point de vue. Il se rapprocha mentalement pour mieux détailler ce qui semblait être une fourmi dont les pattes blanches et brumeuses s'agitaient nerveusement. Il étudia placidement l'animal sous tous ses aspects, en fit le tour pour dénicher ce qu'il aimait à appeler « la brèche » (c'est à dire l'emplacement où son intrusion spirituelle serait la plus aisée, la moins soumise aux barrières mentales que l'homme aurait pu ériger).
Alors qu'il commençait à désespérer de jamais trouver la faille, félicitant en son for intérieur la préparation des espions Mhâlatans, il remarqua enfin une zone plus pâle entre les deux yeux composés de la fourmi, indiquant une faiblesse notoire qu'il allait exploiter. Il força la brume, utilisant des membres virtuels, testa la résistance, puis introduit tout son esprit au sein de celui de l'espion, découvrant un véritable univers mouvant de formes et d'objets, de concepts et de sensations.
Premières impressions, premiers chocs. Il serait très ardu de démêler la toile qu'il entrevoyait devant lui.

samedi 6 février 2010

Chêne doré

Chêne comparable à ceux que l'on peut trouver dans notre monde à l'exception d'un détail : leur fruit. Ces derniers se parent d'une magnifique couleur or à leur maturité, tranchant nettement avec le coloris vert du feuillage. Ces glands sont très recherchés par les individus superstitieux, qui leur accordent des dons aussi variés qu'incroyables : chance, amour, réussite etc.

mardi 2 février 2010

6) Retrouvailles

Kamli tapait nerveusement du pied sur le sol sec de la forêt. Le bruissement des quelques feuilles au sol, écrasées par sa botte, l'apaisait. D'un naturel patient, ses deux amis avaient pourtant réussi à user cette qualité de façon significative à cause de leurs retards chroniques, devenus quasi-systématiques. Ils s'étaient donnés rendez-vous dans la clairière où ils étaient apparus lors de leur premier nuit en territoires ennemis, à la tombée de la nuit du quatrième jour.
Cependant, l'astre solaire avait plongé sous l'horizon depuis quelques centimes déjà et aucun des deux espions ne s'était dévoilé au lieu convenu (un petit arbre au tronc sinueux, un peu en dehors de la clairière). Le jeune homme blond commençait à entrevoir le pire, comme à chaque fois. Peut-être avaient-ils été peu prudents durant leurs explorations ? Peut-être avaient-ils négligé de surveiller leurs déplacements ?
Kamli répétait souvent à ses deux acolytes que les gestes les plus insignifiants pouvaient leur sauver la vie, bien qu'ils n'écoutaient que très peu ses conseils moralisateurs. Et encore une fois, il se trouvait seul à patienter, tendu, et à l'écoute de tous les bruits provenant des zones qu'il ne pouvait voir. Tous les craquements accélérait son rythme cardiaque, bien que d'extérieur il ne laissait rien trahir de cette tension qui aurait été insoutenable pour n'importe quel individu du commun. Avec ironie, Kamli pensait régulièrement que la vie qu'il tentait de préserver avec tant d'acharnement finirait sûrement par lui être arrachée par un ulcère aggravé.

Soudain, un son sourd, beaucoup moins naturel, parvint à l'oreille du jeune espion. Il tenta d'analyser sa provenance et détermina qu'il venait de derrière un tronc, à quelques pas de là. Tous les sens en alerte, il se déplaça furtivement derrière un arbre suffisamment large pour le dissimuler de la source du bruit. Il banda son arc et visa la zone suspectée jusqu'à ce qu'il puisse déterminer s'il devait laisser partir son trait ou non. L'individu caché derrière le tronc n'avait probablement pas remarqué qu'il avait révélé sa position car il risqua un coup d'oeil pour retrouver un contact visuel avec sa proie. Kamli vit qu'il ne s'agissait ni de Lara, ni de William et prit donc la décision de contourner discrètement la zone où se trouvait l'homme qui le suivait. Ce dernier semblait paniqué maintenant qu'il avait perdu sa cible, et il agitait la tête dans tous les sens afin de la retrouver. Kamli prit bien garde de ne pas se faire repérer, puis, dès qu'il eut un angle assez dégagé, il tira une flèche dans la jambe de l'individu, qui, affolé, tenta de s'enfuir. Il tituba sur plusieurs pas, puis trébucha sur une racine aérienne et s'écrasa lourdement contre un rocher. Kamli perçut avec dégoût le bruit des os, craquant contre la masse granitique.

L'archer s'approcha prudemment de l'individu, qui ne bougeait plus que par soubresauts, son corps tout entier devenu incontrolable. Il craignait que l'homme allongé face contre terre ne se retourne armé d'un poignard ou autre arme blanche qui aurait aisément pu être dissimulé dans sa veste.
Il poussa donc l'espion du pied afin de le retourner, et découvrit un spectacle sombrement écarlate. D'un visage ensanglanté, fracturé de part en part, on avait peine à distinguer le nez, qui avait été écrasé au contact de la roche et prenait maintenant un angle avec le reste du visage qui n'avait rien de naturel. Le front laissait discerner une longue entaille horizontale où la peau avait été partiellement arrachée, découvrant l'os blanchâtre du crâne sous-jacent. La bouche de l'individu n'était plus qu'une masse rougeâtre informe, dont les contours labiaux étaient imprégnés du sang qui se déversait de façon ininterrompue depuis sa langue, qui dépassait ridiculement, comme si elle était devenue trop volumineuse pour être contenue dans sa cavité buccale.

Kamli adossa l'individu contre la formation rocheuse qui avait causé ces dégâts afin que l'homme ne s'étouffe pas avec son propre sang, ce qui semblait déjà sur le point de se produire à en entendre les gargouillis provenant de sa gorge.

"Qui es-tu ? Qui t'envoie ?" demanda avec vigueur le jeune homme blond en Mhâlatan.

L'homme en face de lui grimaça avec douleur en tentant d'articuler une phrase qui mourut aussi tôt dans sa gorge. A en croire l'expression hargneuse imprimée sur son visage et malgré toutes les contusions, Kamli en déduisit que ce que l'espion avait essayé de formuler ne devait être qu'une insulte à son égard.
Ce dernier, ayant repris un peu plus conscience fouillait maintenant frénétiquement la poche de sa veste, cherchant un objet qui ne s'y trouvait manifestement plus.

"C'est ça que tu cherches ?" ajouta Kamli en agitant devant ses yeux une petite fiole contenant un liquide violet, qu'il avait pris la peine de ramasser par terre quelque secondes plus tôt.
"Il est hors de question que tu périsses. J'ai un ami qui va pouvoir te faire parler, que tu le souhaites ou non."

A peine avait-il eu le temps de finir sa phrase que l'espion du Levant entendit un bruit de course venant de derrière lui. Craignant l'arrivée de renfort, il prit une flèche de son carquois, banda son arc et se retourna avec une rapidité et une précision fulgurante pour un humain. Cependant, lorsqu'il fit face au nouvel arrivant, il reconnut un visage familier : des cheveux bruns en bataille et un sourire qui semblait ne jamais pouvoir s'ôter.

"On parle de moi ?" lança William avec une insolente décontraction.