samedi 13 août 2011

Eau et cendres

La goutte de pluie était issue d'un nuage gris cendre, qui surplombait un paysage désolé d'une ville en ruine. Séparée de son cocon aqueux, elle prenait peu à peu de la vitesse, fusionnant avec ses voisines puis se rescindant. A mesure qu'elle se rapprochait du sol, la chaleur se fit de plus en plus intense. Elle n'était plus qu'une légère goutelette réduite par l'évaporation lorsqu'elle vint percuter la paupière gauche de Nora'Mi, suffisant cependant à la sortir de la torpeur dans laquelle elle se trouvait depuis de longues heures maintenant. Une légère pellicule d'eau la recouvrait et, alors qu'elle se passa la langue sur les lèvres, elle leur trouva un goût amer.
Elle commençait doucement à reprendre conscience de son corps, dont les muscles endoloris la rappelait à l'ordre. Sans même ouvrir les yeux, elle sentit la pression légère de la mousse naturelle sur le rocher. Ou qu'elle soit, quoiqu'il se soit passé, on avait pris le soin de l'installer sur une surface confortable.
Alors que des sons et ses souvenirs lui parvenaient simultanément, elle considéra préférable de conserver les yeux fermés le temps qu'elle puisse juger de sa situation. Son esprit encore embrumé participait au fait qu'elle réussissait à garder son calme. Cependant elle savait que d'ici quelques centimes ses sentiments prendraient largement le dessus, faisant pencher dangereusement la balance en faveur de la panique.
Elle distingua trois voix, dont l'une d'elle était élégante et féminine. Nora'Mi parlait avec un certain succès la langue du Levant -employée par ses ravisseurs, au contraire de nombreux de ses concitoyens, et malgré quelques difficultés, elle comprenait globalement l'objet de leur discussion.
La conversation semblait excessivement grave et portait sur la destruction d'un village - ou d'une cité, elle ne comprenait pas exactement- par un incendie d'une ampleur sans précédent.
Alors que l'odeur âcre d'un feu lui effleura les narines, elle comprit. Pendant sa torpeur, elle avait cru que la chaleur moite qui l'enveloppait était issue du climat lourd de Karaâmad'jah qui était la conséquence des rares évènements pluvieux qui balayaient la ville Mhâlatanne. Mais alors que son corps revenait à un véritable état d'éveil, elle fit une analyse plus fine de son environnement. La chaleur en question lui venait par vague, que la pluie fine venait refroidir périodiquement. La cité en feu qui était l'objet de la discussion des trois protagonistes devait se situer à quelques centaines de pas seulement de Nora'Mi. Elle n'était plus en territoire Mhâlatan.
Et pour la première fois depuis le jour de sa naissance, elle maudit silencieusement les Dieux d'avoir répondu à ses désirs d'aventure.


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